dimanche 14 novembre 2010

Une étonnante mélopée (Iambe)

Par un beau soir de mai débouchant d'un chemin
Je découvris une humble case
Rosâtre grâce aux cieux ; près fleurissait l'hormin.
Nous étions bien loin du Caucase ! 
Stupéfait, j'entendis un chant, un lied lascif,
Une étonnante mélopée.
Elle émanait d'un homme, assis dos au muret,
S'abandonnant au crépuscule,
Grattant un instrument avec grand intérêt,
Pieds calés par un monticule.
Intériorisé, ses yeux demeuraient clos.
Un cheval, oreilles dressées
Semblait écouter, ruminant dans l'enclos
La queue, la crinière hérissées.
Ignorant la beauté de ce ciel flamboyant
La voix du nord flattait l'oreille
S'enflait, bondissait comme un ricochet fuyant
De la vague à l'onde pareille.
Ce negro-spiritual, ce poignant lamento,
En suspens dans cette athmosphère,
Stagnait et respectait l'élan du larghetto
Puis dépassait la stratosphère
Diffusant par instinct des appels délirants,
Des vibrations en sourdine.
Thrêne qui divulguait des échos déchirants
Au point d'effrayer une ondine.
Surpris par le tableau je m'arrêtais troublé.
Je succombais à ce mirage.
Le mélodrame en moi se retrouvait comblé.
Et l'influx de cet éclairage
Donnait une puissance insolite au chromo :
L'émotion s'ancrait, intense.
De longs frissons grimpaient allant fortissimo...
Sublime instant de l'existence !
Ma mémoire détient ce touchant souvenir
Qui ressurgit pas monotone ;
Je voudrai l'exhumer dans un proche avenir
Car sans répit ... l'âme chantonne...

Antoinette Dumas

mercredi 3 novembre 2010

Les Ours (fable)

LES OURS (fable)

Blancs comme le pays et lents comme le temps,
A pas feutrés les ours ont parcouru l'espace.
L'hibernation commence, il neige lentement,
Pour six mois de nuit grise ils ont trouvé leur place.

Les femelles, soudain, ont perçu une odeur ?
Poisson grillé au bois de hêtre !
Puis vint la pétarade et ce fut la stupeur ?
"Moteur" : a dit l'ancêtre !
Le grand chef a rugi : " Mort à qui fait du bruit !"
La tribu d'un seul bond est sortie de l'abri.

Une ville était là, au bas de la congère ?
Remake du Far-West dans sa version polaire,
En un été, dix maisons avaient poussé !
Furax et terrible, la horde a chargé.
Mais les oursons ont couru droit sur les poubelles,
D'où sortaient des odeurs de hamburgers braisés.
Le doute a pris les coeurs, la charge s'est brisée.
Adieu l'honneur, l'instinct choisit la mortadelle !

Même sur la banquise,
On résiste au froid pas à la gourmandise !

Gérard Comolas 2005