Par un beau soir de mai débouchant d'un chemin
Je découvris une humble case
Rosâtre grâce aux cieux ; près fleurissait l'hormin.
Nous étions bien loin du Caucase !
Stupéfait, j'entendis un chant, un lied lascif,
Une étonnante mélopée.
Elle émanait d'un homme, assis dos au muret,
S'abandonnant au crépuscule,
Grattant un instrument avec grand intérêt,
Pieds calés par un monticule.
Intériorisé, ses yeux demeuraient clos.
Un cheval, oreilles dressées
Semblait écouter, ruminant dans l'enclos
La queue, la crinière hérissées.
Ignorant la beauté de ce ciel flamboyant
La voix du nord flattait l'oreille
S'enflait, bondissait comme un ricochet fuyant
De la vague à l'onde pareille.
Ce negro-spiritual, ce poignant lamento,
En suspens dans cette athmosphère,
Stagnait et respectait l'élan du larghetto
Puis dépassait la stratosphère
Diffusant par instinct des appels délirants,
Des vibrations en sourdine.
Thrêne qui divulguait des échos déchirants
Au point d'effrayer une ondine.
Surpris par le tableau je m'arrêtais troublé.
Je succombais à ce mirage.
Le mélodrame en moi se retrouvait comblé.
Et l'influx de cet éclairage
Donnait une puissance insolite au chromo :
L'émotion s'ancrait, intense.
De longs frissons grimpaient allant fortissimo...
Sublime instant de l'existence !
Ma mémoire détient ce touchant souvenir
Qui ressurgit pas monotone ;
Je voudrai l'exhumer dans un proche avenir
Car sans répit ... l'âme chantonne...
Antoinette Dumas